Quand on fait le compte du nombre de détenus pour des délits mineurs, on comprend pourquoi nos prisons sont surpeuplées. Des tourtereaux appréhendés en train de s’enlacer dans un jardin public au jeune qui a volé deux boîtes de thon à l’étalage d’un supermarché, l’ordre de mise en dépôt est facilement actionné pour mettre aux arrêts les auteurs de ce genre de «délits».
Pourtant, nos prisons sont surpeuplées pour accueillir cette catégorie d’interpellés qui ne représentent pas un danger pour la collectivité. Dans certaines prisons, plusieurs détenus dorment à tour de rôle sur le même lit. Dans d’autres bagnes, le nombre de lits est insuffisant et les prisonniers sont obligés de dormir par terre. Ce taux de surpeuplement est inquiétant, car il atteint dans certains pavillons plus de 150%. Ce qui, en plus d’être une violation des normes internationales relatives à la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, pourrait aussi conduire à des relations tendues et causer la propagation de maladies dermatologiques telles que la gale.
Mais cette surpopulation réduit de façon drastique le temps censé être consacré aux activités sportives, aux promenades et aux visites familiales. Mais ce qui est inhumain, c’est que les détenus, à cause de cette surpopulation carcérale, sont écroués dans leurs cellules jusqu’à 23 heures par jour et n’ont droit qu’à une seule pause-promenade.
La raison de ce mauvais traitement est cette facilité inouïe de renvoi en prison dans notre système judiciaire. Sinon pourquoi un simple vol à l’étalage de deux boîtes de thon dont la valeur ne dépasse pas quelques dinars mènerait-il en prison ?
D’ailleurs, la loi internationale des droits de l’Homme réaffirme la nécessité de considérer la peine privative de liberté comme une sanction de dernier recours.
Si nos prisons sont pleines comme un œuf, c’est que la justice tunisienne n’est pas encore flexible sur la nature des délits, de leur gravité et le profil de l’auteur des faits incriminés (ses antécédents judiciaires, etc.), et ce, afin d’éviter l’incarcération inutile des personnes qui ne représentent pas un danger ou une menace à la sécurité, telles que ceux détenus pour ne pas avoir payé leur dû à la Cnss. Au lieu d’envoyer en prison des hommes divorcés pour défaut de paiement d’une pension alimentaire, ne vaudrait-il pas mieux leur chercher de l’aide sociale afin qu’ils puissent s’acquitter de ce genre de dette ? Si quelqu’un est au chômage, endetté jusqu’au cou et n’a pas de solutions alors qu’il est de bonne foi mais incapable d’honorer ses engagements, il ne sert à rien de le jeter en prison. Car il ne servira qu’à grossir les rangs des détenus chaque jour par dizaines, risque de se radicaliser entre- temps derrière les barreaux ou de commettre un délit plus grave en prison du fait de cette promiscuité source de plusieurs tensions et agressions.